Solution Croisière pour un cadavre
Tilt n°102 - Mai 1992
« Cher inspecteur, vous vous souvenez certainement de cette rafle
que vous aviez menée l'an dernier au Café de Paris, dans
lequel je dînais ce soir là... » C'est par cette
lettre, envoyée le 25 mars 1927 au commissaire Raoul Dusentier
par le richissime Niklos Karaboudjan, que débuta l'une des affaires
les plus étranges qu'il nous fut permis de connaître. Une
année après le drame qui fit couler tant d'encre à
l'époque, Raoul Dusentier a accepté de répondre
au questions de Tilt, pour lever une bonne fois pour toutes le voile
qui plane encore sur l'affaire Karaboudjan. Jonathan Le Roux, l'un des
plus hardis journalistes micro du moment, a discuté pendant de
longues heures avec le commissaire. Voici le résultat de son
travail.
Jonathan Le Roux : Commissaire Dusentier, bonjour ! Avant d'entrer
dans le vif du sujet, à savoir la découverte des premiers
indices sur le Karaboudjan, pouvez-vous nous racontez les circonstances
qui vous ont amené à participer à cette croisière
funeste ?
Raoul Dusentier : Bien sûr. C'était une froide matinée
de printemps. Le facteur m'apporta une lettre. Je l'ouvrais et découvris
que son auteur n'était autre que le célèbre Niklos
Karaboudjan, un armateur grec, l'un des plus riches et célèbres
hommes d'affaire de la place de Paris. J'avais connu cet éminent
personnage lors d'une opération de police quelques temps auparavant.
II m'invitait sur son yacht, soi disant pour discuter avec moi de diverses
affaires criminelles. Niklos prétendait, dans cette même
lettre, vouloir écrire un roman policier. En fait, je n'ai pas
cru un instant à ce stratagème. Je dirais même qu'aiguisant
ma curiosité, cela m'a poussé à accepter l'invitation.
Et puis, une croisière sur un yacht ! ce n'est pas avec mon traitement
de fonctionnaire de police que je pouvais espérer profiter une
autre fois de la même chance!
JLR : D'après ce qu'en a dit la presse, votre croisière
a bien mal commencé...
RD : En effet, à peine avais-je mis le pied sur le Karaboudjan
que les événements se sont précipités. Pensez
donc, j'ai juste eu le temps de tomber nez à nez avec un cadavre
avant de me prendre un bon coup sur la tête. Nous étions
déjà loin des côtes. Impossible de faire appel aux
collègues. Il fallait agir seul. J'ai repris connaissance dans
ma cabine, réveillé par un homme en livrée. II
fallait commencer l'enquête au plus vite. Le plus étrange
dans tout cela, c'était la disparition du cadavre. L'avait-on
jeté à la mer ? Sans doute, mais pourquoi ? Le crime était
de toute façon découvert.
JLR : Quel a été votre premier indice ?
RD : Tout a réellement commencé à 8 h 10 précises.
Alors que je me remettais lentement du choc, j'ai découvert par
le plus grand des hasard un papier froissé, près du cendrier.
Après l'avoir déplié, je pus lire son contenu.
JLR : Et le mot disait... ?
RD : « Rendez-vous au bar, question de vie ou de mort... »
Quant à la signature, un simple F énigmatique... Il m'était
impossible, bien sûr, de reconnaître l'écriture du
message. Il aurait fallu mettre tout le monde dans le bain. Aussi décidai-je
de me rendre au bar du Karaboudjan, en espérant collecter d'autres
indices. En fait, avant de me rendre au bar, je suis passé par
le fumoir et y ai rencontré mon premier suspect. Je dis suspect
car, vu les circonstances étranges de cette affaire, tout le
monde entrait illico dans cette catégorie. Au fumoir, donc, j'ai
pu discuter avec Tom. Tom était notaire. Un homme en apparence
très respectable, un peu borné : il refusa que nous discutions
dans le silence, il fallait toujours que ce satané gramophone
fonctionne ! Je lui parlai d'Hector et appris que c'était le
majordome de la victime, un homme très dévoué à
son patron. II ne savait rien par contre sur le rendez-vous du bar.
A 8 h 20, je me rendis enfin au bar où j'appris du nouveau sur
le père Fabiani.
JLR : On a beaucoup entendu parler de cet homme d'Église. Un
personnage généreux et très attaché à
Niklos...
RD ; Et pourtant, ce n'était pas un saint... Lorsque j'ai montré
le papier au barman, celui-ci m'a appris que le rendez-vous fixé
provenait de Fabiani. Le père avait rencontré Niklos le
soir du crime. Au dire de ce témoin, la rencontre fut chaude
et Fabiani élevait fréquemment la voix. Fabiani passait
du même coup en tête de liste des suspects ! Et puisqu'il
avait oublié son missel au bar, ma manière de l'aborder
était toute trouvée. A 8 h 30 précise, je décidai
donc de rendre visite à cet homme. La chambre de Fabiani était
vide, hélas. Mais je n'allais pas rester pour autant les bras
croisés. Je fouillai la cabine de fond en comble. A droite, un
tiroir... Mais, fausse piste ! Par contre, je remarquai une valise à
côté de chacun des lits. Si celle de Désiré,
l'homme qui partageait la cabine avec Fabiani, était fermée
à clef, celle du père était ouverte. Et là,
surprise ! La valise de Fabiani était un véritable casino
ambulant ! Décidément, mes soupçons contre ce brave
ecclésiastique se confirmaient de minute en minute. Avant de
quitter la cabine, je fouillais quand même le lit de Désiré.
J'y découvris un nounours. Étrange pour un homme de son
âge, mais après tout...
JLR : Les invités de la croisière ont-ils bien réagi
à vos investigations, assez directes » il me semble ?
RD : Eh bien justement, pas toujours. Par exemple, juste après
avoir fouillé la cabine de Fabiani, j'ai surpris une discussion
très privée dans la cabine la plus proche. Je suis entré
sans frapper... mais c'est souvent le meilleur moyen de surprendre un
suspect, de le déstabiliser. En fait, il y avait là Rébecca
et Julio. Je me trouvais en pleine scène de ménage ! Et
entre qui ? Entre le jeune Julio, un richissime flambeur et la femme
de la victime. Décidément, il y avait sur ce bateau plus
de suspects que de filins ! Après avoir pris note de cette étrange
« alliance », je questionnai Julio sur la mort de Karaboudjan.
Il me parla alors de Daphné, la fille du défunt, très
choquée par la mort de son père. Je compris dès
lors que ce qu'il me restait de mieux à faire, c'était
de rencontrer un à un tous les passagers de cette croisière.
Il était déjà 8 h 40, il ne fallait pas perdre
de temps.
JLR : Dans la presse, on a beaucoup parlé de Suzanne, une vieille
amie des Karaboudjan. Elle vous aurait semble-t-il beaucoup aidé
dans votre enquête.
RD : C'est vrai. J'ai rencontré Suzanne pour la première
fois sur le pont, vers 8 h 45. Elle m'a apprit beaucoup de chose lors
de cette première entrevue, sur Julio et les courses automobiles
dont il raffole ainsi que sur la famille immensément riche de
ce jeune homme. Mais à 9 h 00, alors que je cherchais du feu
pour allumer l'une de ses cigarettes, ma main effleura le missel que
j'avais toujours en poche. Du coup, je repartis à la recherche
de Fabiani. En marchant, j'ouvris le missel et découvris une
lettre compromettante pour le père. Un indice de plus. En passant
par le fumoir, je constatai que Tom avait disparut. J'éteignai
enfin le gramophone. Mon instinct de détective me poussa à
fouiller la pièce. Sous le fauteuil, je trouvai un nouveau message.
JLR : Que disait-il ?
RD : Il m'apprit que Tom avait récemment commandé, chez
Kartier, un bracelet d'une valeur de 17 000 F. Une histoire de femme,
sans doute... Mais revenons à Fabiani. Je découvris enfin
cet étrange personnage dans la salle à manger. En fait,
tout au long de mon enquête, le prêtre serait le plus souvent
dans la salle à manger ! Un sacré mangeur... Je rendis
le missel à Fabiani et lui posai un grand nombre de questions.
Mais l'homme ne se dévoila pas. Rien sur la valise/casino, rien
sur la lettre du missel, il me sembla dès lors de plus en plus
suspect. Le seul indice qu'il m'apporta concernait par contre les problème
financiers de Tom. Un point qu'il me fallait éclaircir au plus
vite. Aussi, vers 9 h 30, je me rendis dans la cabine de Tom et Rose
Logan. Là, j'appris bien plus de choses. Tout d'abord, c'était
Fabiani qui avait insisté pour que Suzanne participe à
cette croisière. Pourquoi ? Mystère ! D'autre part, je
découvris aussi que le prêtre avait plus d'un défaut.
Joueur, il l'était, et il craquait des sommes vertigineuses.
De même que, je le savais, Julio avait des raisons de tuer Niklos
(il sortait avec sa femme), Fabiani ou Tom pouvaient-ils espérer
résoudre leur problèmes financiers grâce à
la mort de leur « ami »» ? Pourquoi pas !
JLR : Quels rapports avezvous eu avec Julio, ce jeune homme riche et
parait-il assez imbu de sa personne ?
RD : C'est à 9 h 40 que je le rencontrai de nouveau, dans ma
cabine, car il logeait dans la même pièce que moi. Non,
Julio n'était en rien prétentieux. Riche, oui, mais pas
plus fier pour autant. II m'appris à son tour un grand nombre
de choses sur Suzanne. Alcoolique, la jeune femme sortait à peine
d'une longue cure de désintoxication. Mais était-elle
complètement guérie ? Par la suite, j'éprouvai
souvent des difficultés à ajouter foi à ses déclarations,
d'autant qu'elle portait parfois des accusations très directes.
Mais revenons à nos moutons. A 9 h 50, j'ai de nouveau rejoint
Tom pour en savoir plus sur Suzanne et Julio. Peu à peu, les
personnalités de chacun m'apparaissaient plus clairement. Dans
la salle à manger, je retrouvai également le père
Fabiani. J'appris que Niklos ne voulait pas que Suzanne participe à
la croisière. Encore un sujet de discorde entre les deux hommes
! Ensuite, sur le pont, Suzanne prit une fois de plus la parole. Elle
me parla de Fabiani. Puis ce fut encore Fabiani qui médit du
notaire Tom Logan et du piètre état de son mariage avec
Rose...
JLR : En fait, la situation restait assez confuse ! De tous ces racontars,
il vous était impossible de tirer quelques éléments
de vérité...
RD : Détrompez-vous. C'est justement lors de ma dernière
conversation avec Fabiani que je fis la première découverte
réellement intéressante ! Tom et Rose n'étaient
pas heureux... Et savez vous pourquoi ? Tout simplement parce que Rose
n'avait épousé Tom Logan que dans le but d'oublier un
ancien mais cruel chagrin d'amour. Vous verrez par la suite que ce point
est essentiel !
JLR . Mis à part les témoignages des uns et des autres,
avez-vous découvert beaucoup d'indices concrets, cendres de cigarettes,
empreintes... ?
RD : II y avait tout d'abord les lettres et le message. Et à
10 h 00, dans ma propre chambre, j'ai découvert aussi une clef,
sur le tapis, au-dessous du sac de golf. C'est dans le bureau de Karaboudjan
que j'ai pu utiliser cet indice. Cette clef ouvrait le secrétaire
et j'y trouvai une lettre de remerciement et, surtout, un écrin.
A l'intérieur, près du fermoir, des initiales : R J...
II était maintenant 10 h 30.
JLR : Et que disait la lettre ?
RD : Fabiani y remerciait Niklos pour un service rendu. Décidément,
ces deux hommes n'avaient pas, sans vouloir faire de l'humour, des relations
très catholiques... Je devais résoudre cette énigme
au plus vite. Je trouvai Fabiani dans sa cabine. Il m'expliqua tout
simplement qu'il s'agissait d'un don de Niklos pour réparer le
clocher de son église. Vrai ou faux ? Je n'étais encore
sûr de rien. Puisque Fabiani n'était pas, pour une fois,
dans la salle à manger, je jugeai le moment opportun pour visiter
cette salle. Dans les tiroirs de la commode, je trouvai les cartons
d'invitations à 10 h 40 précises et j'y appris deux choses
importantes : en premier lieu, que Julio et Daphné devaient se
fiancer, ensuite et surtout, les initiales de la femme de Niklos, Rébecca
: R V J, pour Rébecca Vivian Jones.
JLR : D'où le RJ de l'écrin !
RD : Vous avez vu juste ! Le bracelet, acheté par Tom, était
en fait destiné à la femme de Niklos, et non à
Rose. Sur tous ces points, il me fallait des éclaircissements.
Je rejoignai donc Suzanne, toujours penchée sur la balustrade
du pont supérieur. Elle m'apprit que Fabiani avait organisé
une grande kermesse pour la restauration du clocher de son église,
et qu'il avait obtenu beaucoup d'argent. Je sus aussi que les fiançailles
de Julio et Daphné avaient été annulées.
Pourquoi ? J'étais bien décidé à le découvrir.
Quant à Fabiani, que j'interrogeai à son tour, il me dit
pour sa part que la kermesse n'avait rien rapporté. Etrange,
non ? Quant aux fiançailles, j'appris que Niklos n'avait même
pas prévenu sa fille qu'il avait décidé de lui-même
de la marier à Julio
JLR : II y avait de quoi devenir chèvre !
RD : Oui, et je fus assez découragé pendant un instant.
Aussi ai-je jugé bon de faire une trêve, de prendre un
peu l'air, de profiter ne serait-ce que quelques minutes de l'air du
large. Mais l'aventure ne voulait décidément pas me lâcher
! Alors que je flânai pour me détendre sur le pont principal
bâbord arrière, quelle ne fut pas ma surprise d'apercevoir
Tom et Rébecca dans des effusions peu dignes du moment. J'avais
vu juste, ces deuxlà s'entendaient bien mieux entre eux qu'avec
leurs conjoints respectifs. Et l'un ce ces conjoints était mort...
Tournant les talons, je décidai de visiter quelques lieux moins
fréquentés. Dans les toilettes du bas, je ne trouvai rien
d'intéressant. Dans celles du haut, par contre, j'empochai un
savon. Un geste que les journalistes ont à l'époque interprété
comme un trait de génie, puisque ce savon allait me sauver la
vie par la suite. En fait, je peux l'avouer maintenant, je voulais juste
m'en servir pour laver quelques affaires ! Enfin, bref... En parfait
détective, je regardai aussi dans le siphon. Mais c'était
une fausse piste. Je visitai la lingerie. Dans le bac marqué
« invités »», je trouvai un peignoir. Dans
la poche de ce vêtement, un pendentif. Rien de bien passionnant
je l'avoue, si ce n'est que le pendentif appartenait à Daphné
Karaboudjan, comme le prouvaient les initiales gravées à
l'intérieur.
JLR : On a pourtant dit dans la presse que ce pendentif avait un secret
?!
RD : En effet, mais je ne le découvris qu'ensuite, en examinant
mieux l'objet. Vers 11 h 00, alors que je tripotais le bijou, je m'aperçus
que le portrait qui était dedans ne représentait pas du
tout Daphné, mais une autre personne du nom d'Aglaé, comme
me l'apprit Fabiani lorsque je l'interrogeai à ce sujet. Fabiani
parlait de cette fameuse Aglaé à l'imparfait. Etait-elle
donc décédée...? Il me fallait tirer l'affaire
au clair. J'interrogeai Hector, le majordome, puis Désiré
Gros Jean que je rencontrai pour la première fois. A 11 h 10,
j'interrogeai encore Julio dans sa cabine pour apprendre qu'Aglaé
était la tante de Daphné. Jusqu'à 11 h 40, je discutai
tour à tour avec Fabiani, dans sa cabine, puis avec Suzanne dans
le bar. Enfin, je retrouvai Suzanne dans sa chambre, complètement
saoule. Ce fut l'occasion pour moi de fouiller sa cabine.
JLR : Et vous avez trouvé...
RD : Dans l'armoire de gauche, dans sa vanity-case, une ordonnance...
La liste des médicaments était longue ! II fallait que
j'interroge la jeune femme à ce sujet. En attendant qu'elle reprenne
conscience, je retournai au bar pour me servir un verre. Avant de me
rendre sur le pont supérieur. j'emportai avec moi un peu d'alcool
et bien m'en prit... Sanun verre de plus, Suzanne n'aurait pas voulu
parler ! Finalement, elle me fit des confidences. Les médicaments
étaient destinés a Aglaé. Cette pauvre femme était
tombée malade et, malgré sa légendaire résistance,
était décédée peu de temps après.
Et savez-vous qui l'avait hébergé pendant ses dernières
heures ? Niklos lui-même. Tout cela avait un étrange parfum
de drame.
JLR : Vous pensiez alors que la mort d'Aglaé n'était pas
naturelle ?
RD : Je n'en étais pas sûr, mais j'appris par la suite,
de la bouche de Tom que je rencontrai dans le fumoir, que la vieille
femme était très riche. Qui profitait de sa mort ? Dans
ma profession, c'est une question qui vient tout de suite à l'esprit
!
JLR : En fait, seul Fabiani pouvait vous renseigner !
RD : Exact, et je m'empressai donc de lui rendre visite. Et là,
il me mit au courant d'une vieille mais sinistre histoire. Imaginez
le tableau. Aglaé a 20 ans. Charmante, intelligente, elle prend
des leçons de piano auprès d'un jeune homme tout aussi
séduisant. Résultat, les deux jeunes gens ne jouent pas
seulement du piano... Et puis, la colère des parents, l'enfant
à l'orphelinat, la mère dans un couvent ! Voilà
comment commença la vie d'Aglaé. Le père Fabiani
me montra même des photo. Sur l'une d'elle, on voyait l'enfant
de la pauvre mère avec son ours en peluche... Et bien, croyez
moi ou non, j'ai tout de suite fait le rapprochement avec Désiré
et l'ours dans son lit. C'était évident, Désiré
n'était autre que le fils d'Aglaé, le neveu de Karaboudjan
!
JLR : Incroyable ! Mais Rébecca, la femme de Niklos, était-elle
au courant de ce neveu mystérieux ?
RD : Bien sûr, et justement, à 12 h 35 environ, je pus
m'en rendre compte en regardant discrètement par le hublot dans
la chambre de Rébecca. Cette dernière et son amant, Tom
étaient en train de comploter pour l'assassinat pur et simple
de Désiré ! Pour le coup. mes soupçons commençaient
à s'orienter vers ce couple sans scrupules. Mais il me fallait
des preuves... Je continuais alors mes interrogatoires, visitant Suzanne
sur le pont, Désiré dans le hall arrière... Enfin,
j'atterris dans la chambre de Daphné. Comme elle était
absente, je fouillai sa cabine. Dans l'armoire, sous une pile de linge,
une enveloppe... J'appris que la mère de Daphné était
morte dans un accident de voiture. " Décidément,
voilà une famille qui affectionne les morts violentes, me dis-je
en moi-même. " Chez Fabiani, je trouvai un autre indice,
tout en bas de l'armoire : une montre à gousset. Il était
alors 13 h 00. Je rencontrai ensuite Julio, étendu sur le pont.
Alors que je lui présentai la montre, au hasard je l'avoue, il
m'appris que Fabiani l'avait perdu au poker contre Niklos, une semaine
plus tôt. Mais tout cela n'avait pas grande importance, face à
ce que j'appris quelques minutes plus tard au sujet de Rose...
JLR : Rose était une personne mélancolique à ce
qu'il paraît...
RD : C'est vrai, mais vous savez qu'elle avait bien de quoi ! Lorsque
je la rencontrai, à 13 h 10, en train de tricoter sur le pont
supérieur, je ne pus rien en tirer. Au bar, Suzanne m'en apprit
un peu plus sur Rose. Mais c'est une fois de plus Fabiani qui me dévoila
des choses réellement intéressantes.
JLR : La fameuse histoire de Raphaël Lambert ?
RD : Oui. Rose était fiancé à ce Raphaël depuis
quelques mois déjà lorsque le drame survint. Un beau matin,
on retrouva le jeune homme ivre, dans une maison close, dans les bras
d'une femme de petite vertu... Le père de Rose, le notaire Melville,
a bien sûr chassé Raphaël à jamais de sa maison.
Rose ne s'est paraît-il jamais remise de cette décision.
JLR : Cela avait-il un rapport avec votre enquête ?
RD : Oui, mais je ne m'en aperçus que plus tard. Pour l'heure,
je continuais mes investigations. Je rencontrai Daphné dans sa
cabine, puis Rébecca. Je retournai encore une fois chez Daphné
pour éclaircir certains points. Il était alors 13 h 30.
Au bar, Suzanne buvait toujours. Je discutai un bon moment avec elle,
puis à 13 h 40 avec Fabiani dans la salle à manger. C'est
lui qui m'apprit que Rébecca n'était pas la mère
de Daphné et que les deux femmes ne s'étaient jamais très
bien entendu. Dans le bureau de Niklos, je rencontrai Hector. II me
parla d'une dispute entre Fabiani et Niklos, consécutive à
une partie de poker ou le prêtre avait perdu gros. Quant à
la véritable mère de Daphné, elle s'appelait Mercedes.
C'est elle qui est décédée dans un accident de
voiture.
JLR : A ce point de l'enquête, sur qui se portaient vos soupçons
?
RD : Difficile à dire... Tout le monde avait eu des raisons de
tuer Niklos. Mais certains m'inspiraient encore moins de confiance que
les autres. Prenez Rose par exemple... Sur le pont supérieur,
je trouvai son sac. Dedans, une publicité pour un revolver...
Avouez que c'était louche! Rose me surprit et se justifia pourtant.
A 14 h 10, elle m'affirma qu'elle voulait offrir une arme à Tom.
Je me rendis ensuite chez Tom. Il n'était pas dans sa cabine...
JLR : .. et vous en avez profité pour fouiller ses affaires ?!
RD :Tout juste ! Et savez vous ce que j'y ai trouvé ? Une lettre
dans l'armoire, sous les draps. Je compris alors le drame de Rose et
Raphaël Lambert. Cette missive était signée Lola.
La jeune fille parlait d'un traquenard. Un homme se nommant Karaboudjan
lui avait proposé de l'argent pour tenir compagnie à l'un
de ses"amis". Après une nuit plutôt agitée,
ce même monsieur avait fait irruption avec deux gendarmes. Vous
comprenez tout ça, Raphaël dans la maison close, n'était
qu'une mise en scène organisée pour briser les fiançailles
du jeune couple... A 14 h 20, j'étais donc sûr que Rose
avait toutes les raison d'en vouloir à Niklos ! Mais tandis que
je ruminais cette pensée en me promenant sur les ponts du bateau,
un nouveau drame se produisit
JLR : Un nouveau meurtre ?
RD : Tout juste, mais la tentative échoua, fort heureusement.
Sur le pont supérieur, Suzanne venait de tomber à l'eau.
Après l'avoir repêchée à l'aide d'une bouée,
j'observai la rambarde... Elle avait été sciée.
Accident ?Non !Plus que jamais, je compris que j'approchais du but.
Le coupable perdait les pédales. Puisqu'il avait essayé
de se débarrasser de Suzanne, il me fallait savoir ce que la
jeune femme savait de si important. Je !'interrogeai. Elle me montra
une lettre d'Aglaé, la tante de Niklos décédée
d'une étrange maladie. La vieille femme affirmait qu'elle était
empoisonnée par... Niklos et Rébecca !Une accusation très
grave, mais qui s'appuyait sur l'héritage gigantesque qui allait
revenir à l'armateur. Suzanne était convaincue de cette
culpabilité. Elle m'apprit que sa présence sur le Karaboudjan
n'avait d'autre but que de prouver la culpabilité de Niklos.
A 15 h 00, Suzanne me demanda d'aller chercher sa trousse de maquillage.
Lorsque j'y arrivai, la pièce était sens dessus dessous.
JLR : Un cambriolage ! elle gardait donc des preuves chez elle !
RD : C'est aussi ce que je supposais. Mais en fait, je ne trouvai pas
grand-chose dans la cabine de Suzanne. Vers 15 h 20, je mis pourtant
la main sur une petite boîte à musique. Je l'ouvrai et
ne vis rien de particulier à l'intérieur. Mais c'était
tout de même un indice ! Ensuite, je dois avouer que j'ai eu un
peu de chance ! Dans la lingerie, je trouvai en effet une clef, dans
un pot posé à côté de l'étagère.
Cette clef correspondait à la boite à musique, j'en eus
l'intuition. Je retournai donc chez Suzanne. Le mécanisme était
certes un peu complexe mais je parvins à la déclencher.
En fait, il fallait remonter la boite, la laisser jouer puis bloquer
la petite ballerine qui dansait. J'entendis un déclic. Lorsque
je refis tourner la clef, une cache s'ouvrit dans la boîte à
musique. J'avais trouvé une nouvelle lettre ! Il était
15 h 30.
JLR : Encore une lettre d'Aglaé sans doute...
RD: Pas du tout, la missive était cette fois adressé à
Niklos.
16 juin 1912, Niklos, j'ai fait le travail... je passerai
ce soir prendre le paiement... Pas d'entourloupe ! Pas de signature,
bien sûr. Mais voilà qui confirmait une fois de plus les
agissements étranges de l'armateur. Cet homme, bien que décédé,
me paraissait là encore le plus suspect de tous les passagers
JLR : La presse a parlé d'un attentat qui se serait produit vers
15 h 45... Que pouvez vous nous en dire ?
RD : C'est au bar que tout a commencé. Je voulais juste boire
un rafraîchissement lorsque le capitaine du Karaboudjan à
surgi dans la pièce. < Suivez moi, il faut empêcher
cela... » m'a-t-il dit avant de disparaître... Sur le pont,
à 15 h 40 exactement, j'assistai alors à une scène
violente. Rébecca s'apprêtait en effet à tuer Désiré.
Un instant de plus et j'avais une nouvelle victime sur les bras. Fort
heureusement, Daphné est intervenue en lançant son sac
sur Rébecca. Mais le plus important dans l'histoire, c'est que
j'ai entr'aperçu un homme qui se glissait dans les coursives...
Je n'ai pas pu le reconnaître ! Il était alors 15 h 50.
J'ai pris le sac de Daphné et le lui ai rapporté dans
sa cabine. Je l'interrogeai.
JLR : Elle était sûrement en état de choc... Le
bon moment pour lui faire avouer la vérité ?
RD : Oh, vous savez, je n'ai pas eu besoin de forcer la dose. Elle
m'a parlé d'elle-même, comme soulagée. Bref, j'appris
quelque chose d'essentiel. La vieille Aglaé, sachant pertinemment
que sa propre mort était provoquée par les soins de Niklos
(il aurait été bon d'analyser les médicaments que
lui fournissait son neveu) avait légué toute sa fortune
à son fils Désiré Gros Jean. Imaginez la colère
et la déception de Niklos et de sa femme Rébecca ! Niklos
avait ensuite invité Désiré sur cette croisière,
soi-disant pour lui présenter des excuses. En fait, tout semblait
tourner à l'envers. C'est Désiré qui aurait dû
mourir, assassiné par Niklos. L'affaire devenait confuse. Elle
le fut encore plus par la suite, puisque je collectai de la part de
chacun des accusations plus ou moins loufoques, et toutes différentes...
JLR : Comment cela ?
RD : Et bien, vers 16 h 05 commença la ronde des délations.
Pensez donc, je me suis promené sur le pont, pour réfléchir,
passant et repassant devant les cabines de tous mes suspects. Et à
chaque fois : pssstt, entrez dans ma cabine, commissaire...
j'ai des révélations de la plus haute importance à
vous faire ! »
JLR : Profitons-en pour faire le point. En un mot, qui accusait qui
?
RD : Vous allez voir, ce n'était pas simple. Rébecca accusait
Rose d'avoir tué Niklos pour le punir d'avoir fait chasser Raphaël
il y a bien longtemps. Daphné soupçonnait quant à
elle le père Fabiani. Elle me déclara: Fabiani
avait perdu une grosse somme en jouant au poker contre Niklos... Et
lorsque je l'ai croisé, le soir du crime, il avait quelque chose
dans la poche, une arme sans doute Fabiani mettait en doute l'honnêteté
de Suzanne : "Elle m'a forcé à la faire invité
dans cette croisière c'est à coup sûr pour se venger
de Niklos. » Rose, enfin, sans doute au courant de la liaison
entre son mari et Rébecca, accusait cette dernière. En
conclusion, tout le monde soupçonnait tout le monde, et seule
Suzanne était à mon avis hors de cause... Elle ne se serait
pas jetée à la mer pour le simple plaisir de s'innocenter
!
JLR : A votre place, j'avoue que j'y aurais perdu mon latin !
RD : Vous savez, pour un enquêteur, c'est quand tout devient obscur
qu'il devient possible de repérer un éclair de clarté.
C'est pourquoi je continuai môn enquête, laissant de côté
toutes ces accusations, certes fondées, mais que ne renforçaient
aucune preuve réelle. J'ai rencontré Suzanne. Cela m'a
permis de faire la lumière sur la mort de Mercedes, la première
femme de Niklos. L'accident de la mère de Daphné n'en
était pas un. Niklos avait engagé un homme pour la tuer.
D'où la lettre de demande de paiement. Dans le hall arrière,
je questionnai aussi Désiré. Mais l'homme ne parla pas
beaucoup... A 16 h 20, je trouvai, dans ma cabine, un mot d'Hector.
II me demandait de le rejoindre au plus vite.
JLR : Lui aussi avait quelque révélation plus ou moins
fantaisiste à faire ?!
RD : Détrompez-vous, ce qu'il allait me dire devait être
très sérieux puisque je le trouvai sur son lit, blessé
à mort par le coupable que je cherchais. Et savez-vous ce qu'il
me dit avant de rendre l'âme ? « Ce n'était pas le
corps de Niklos... L'assassin est... »» Il était
16 h 40 et je commençai à entrevoir la réalité.
Si Niklos n'était pas Niklos, qui était Niklos ? Ou plutôt,
la vraie question, qui était mort, à qui appartenait ce
cadavre que je n'avais vu que quelques secondes?
JLR : Cela voudrait-il dire qu'un passager clandestin se cachait sur
le bateau, un coupable qui ne fût pas encore dans la liste de
vos suspects ? Peut-être l'homme que vous aviez entr'aperçu,
descendant vers les coursives ?
RD : C'était le plus probable ! Et il fallait dès lors
que j'inspecte le navire de fond en comble. Je commençai mon
exploration dans la coursive et atteignis bientôt la cuisine.
Au milieu de la pièce se trouvait un grand meuble bleu. Sur l'étagère,
tout en haut, je mis la main sur un ouvre-boîte. A côté,
une trappe menait à la cale. J'y descendis et dénichai
un pied-debiche. L'idée me vint alors d'ouvrir l'une des caisses.
Dedans, des boîtes de conserves qui contenaient... des grenades
! Il était 16 h 40. Mais ce ne fut pas la seule découverte
intéressante. Dans la salle des machines, à 17 h 00, je
trouvai aussi un tournevis. Je l'empochai, car j'avais une petite idée
derrière la tête...
JLR : Un peu de mécanique ?
RD Non, mais du travail de précision quand même ! Voyezvous,
dans le fumoir. j'avais depuis longtemps repéré un projecteur
qui ne fonctionnait pas. J*étais aujourd'hui bien décidé
à le remettre en marche. sachant que le vieux film qui traînait
par là avait sûrement trait au passé. Or, c'est
bien du passé que f avais jusque là tiré le plus
d'informations ! La remise en état du projecteur fut chose facile
et bientôt, je vis se jouer devant moi une scène vieille
de plusieurs années. Un homme, un artiste, faisait son spectacle,
maniant avec dextérité une marionnette. Et cet homme,
il ressemblait à s'y méprendre à Désiré
Gros Jean. Et derrière, dans le public, la femme qui apparaissait,
c'était Merceries, Merceries dont j'avais vu il y a peu la photo
dans la coupure de journal...
JLR : Vous voulez dire que Désiré était un ancien
artiste de music-hall et que Merceries le connaissait ?
RD : Pour le moment, je ne tirai aucune conclusion hâtive de tout
cela. d'autant que les choses allaient très vite se précipiter
! En effet, vers 17 h 12, je rencontrai Daphné dans le hall.
La jeune femme était affolée : « Inspecteur, vite.
Suzanne veut vous voir, elle dit qu'elle tonnait l'assassin... "
A 17 h 20. je fonçai vers la cabine de Suzanne mais... trop tard
i Une fois de plus. mon adversaire avait été plus rapide
que moi. Suzanne gisait sur le sol. En examinant le corps, je vis qu'elle
avait tracé à même le sol deux initiales : N K.
JLR . ...comme Niklos Karaboudjan !
RD : Bien sûr, voilà qui confortait mon hypothèse...
Mais pour l'heure, il fallait agir très vite. Car l'homme pouvait
encore frapper. Je devais trouver sa cache ! Je commençai mes
recherches dans le bureau du capitaine, vers 17 h 30. Dix minutes plus
tard, j'avais mis la main sur un ouvrage étrange. Ce livre indiquait
une pièce secrète, dans le bureau de Niklos. Du rouge
sur une page, un message curieux
« Incal ».. Je me rendis aussitôt dans le bureau de
Karaboudjan. Je ne fus pas long à comprendre qu'il suffisait
de placer les livres de la bibliothèque d'une certaine façon
pour déclencher le mécanisme. Un passage venait de s'ouvrir
! Il était alors 17 h 50.
JLR : On a parlé alors d'un bien curieux combat, à coup
de savonnettes, je crois... Estce une farce de la presse ?
RD : Pas du tout. C'était plutôt un coup de chance. En
fait, devant le passage obscur, je n'étais guère rassuré,
d'autant que je sentais confusément la présence d'un homme
dans le noir. En glissant la main dans la poche, pour saisir mon arme,
je m'aperçus que je ne la portais pas sur moi. C'est pourquoi
j'ai saisi ce savon... je l'ai lancé dans l'ombre, pour détourner
l'attention de mon ennemi. L'homme s'est alors avancé et, fort
heureusement pour moi, il a glissé sur la savonnette et s'est
étalé de tout son long... Un coup de chance, vous dis-je
!
JLR : Fabuleux ! Mais qu'y avait-il dans le passage secret ?
RD : J'ai découvert un grand nombre d'indices. Tout d'abord,
sur le mort, un contrat de la mafia au nom de Karaboudjan. Ensuite,
la marionnette que j'avais déjà repéré sur
le veux film, entre les mains de Désiré. Sur une affiche
aussi, ce même Désiré et un nom que je ne connaissait
pas encore, Ostrovitch... Je suis alors remonté au fumoir et,
à 18 h 20, lorsque j'ai montré la marionnette à
Daphné, elle l'a tout de suite reconnue
JLR : Elle vous a fait des révélations importantes ?
RD : Je pense bien ! Comme en transe, elle revivait ici une scène
vieille de plusieurs dizaine d'années. Une nuit d'orage, un homme
qui crie : « Non, Dimitri, ne faits pas l'idiot ». Daphné
cria aussi «« papa! »... Elle se souvint alors de
son père allongé sur le sol, mort ! Plus tard, elle avait
toujours cru à un mauvais rêve, puisqu'elle avait découvert
au matin son père bien vivant. Mais alors qu'elle venait de revivre
cette scène, elle comprit soudainement la répulsion que
lui avait inspiré son « père » depuis ce soir
maudit... Pourquoi ? Parce que ce n'était plus le même
homme, mais l'artiste Dimitri Ostrovitch qui venait de prendre sa place
!
JLR : Vous voulez dire que Niklos n'est pas mort lors de cette fameuse
croisière, mais plus de vingt ans auparavant !
RD : Exactement, et je connaissais maintenant le fin mot de l'histoire.
Lorsque le capitaine nous annonça que nous allions très
bientôt arriver à destination, je décidai de mettre
un terme à cette affreuse histoire. Ayant réuni tous les
passagers, je désignai le coupable... Désiré Gros
Jean, bien sûr, ou plutôt Dimitri Ostrovitch, car tel était
le vrai nom de cet assassin sans scrupules !
JLR : Si j'ai bien compris, Dimitri à tué Niklos il y
a bien longtemps... Mais pourquoi ? Et qui est alors mort sur le bateau
?
RD : Vous allez tout comprendre ! Dimitri a 17 ans. Jeune comédien
en quête de gloire et de fortune, il rencontre un soir la très
belle Mercedes Karaboudjan. Ils tombent amoureux l'un de l'autre mais
il y a un problème... Le mari ! Ce couple sans scrupules ne va
pas gâcher cet amour pour autant. et il assassine un soir le pauvre
Niklos. Dimitri prendra aisément sa place grâce à
ses talents de comédien. La jeune Daphné est envoyée
en pension et le couple vit heureux pendant une année. Un beau
jour, Dimitri apprend que Mercedes a un nouvel amant. Cela coïncide
avec l'arrivée à son service d'Hector. Le serviteur le
fait chanter. Mais les deux hommes s'arrangent. Hector assassinera Mercedes
contre une forte somme d'argent, camouflant le crime en un banal accident
de voiture... Puis vient à nouveau le temps des dettes, des créances
que l'on ne peut couvrir. Dimitri est alors au courant de la fortune
de la riche tante de Niklos, la sienne maintenant. II décide
à son tour de la supprimer et lui procure des médicaments
bourrés de poison. Mais là, surprise... Dimitri fait la
connaissance de Désiré, un fils naturel d'Aglaé.
L'héritage lui échappe. Qu'à cela ne tienne, il
va mettre au point un stratagème pour se débarrasser de
ce nouvel intrus...
JLR : C'est donc pour cela que l'on vous a assommé quand vous
avez découvert le cadavre, pour que vous ne vous rendiez pas
compte de la supercherie !
RD : Exact ! Dimitri s'est en fait servi de moi comme d'un témoin
utile. II m'a montré le cadavre uniquement pour que je confirme
la mort de Niklos. Puis, ensuite, lui et Hector m'ont assommé,
afin que je ne reconnaisse pas plus tard Désiré comme
l'homme assassiné ce soirlà !
JLR : Mais tous ces indices qui semblaient incriminer Rébecca
ou d'autres passagers, le reçu de chez Kartier, la petite clef...
Pourquoi ?
RD : Dimitri était un personnage hors du commun. Non content
de se débarrasser sous mes yeux du pauvre Désiré,
il prit sa place et se permis même d'orienter mes soupçons
tour à tour vers chacun des membres de cette grande famille.
Il faut dire qu'il les haïssait tous.
JLR : Commissaire Dusentier, bravo ! Un travail remarquable.
RD : Et pourtant, je dois dire que je ne suis pas très fier de
moi. Bien sûr, j'ai mis à jour un criminel vraiment rusé...
Mais j'ai aussi laissé se commettre sous mes yeux deux assassinats.
Pour Hector, je n'ai aucun scrupule, c'était un malfrat. Mais
pensez à la pauvre Suzanne. Son souvenir m'est d'autant plus
cruel que, lors de notre dernière rencontre, j'avais cru deviner
dans ses yeux comme une sympathie, une réelle sympathie...
Propos recueillis par Jonathan Le Roux.